Approche psychodynamique du comportement sexuel

Introduction 

L’approche psychodynamique satisfait un critère de valeur épistémologique pour la psychanalyse. Elle est une méthode d’acquisition d’information sur le vie intrapsychique de l’homme. Cette vie, postule cette approche, est le produit d’un fonctionnement inconscient, interne, dynamique et conflictuel. 

En principe, le jeu de cette dynamique psychique est de trouver des solutions et des compromis qui réconcilie le sujet avec sa condition humaine. Cette réconciliation est synonyme, en psychanalyse, d’un état d’équilibre dans lequel nos désirs sexuels sont satisfaits, au registre du primaire ou du secondaire, en prenant compte les considérations sociales et culturelles.

Sur le plan pratique, l’approche psychodynamique vise l’installation d’une situation thérapeutique, dans laquelle, les sujets, l’analysé et l’analysant, devraient co-penser le sujet de leur rencontre, le problème psychique. L’analysé, comme l’analysant, assume, dans cette situation, un rôle d’acteur pour qu’ils arrivent, en premier lieu, à comprendre et d’évaluer la dynamique psychique responsable du trouble et, en deuxième lieu, de créer une nouvelle situation pour de nouveaux transferts, pour la prise de contrôle sur soi, et pour la restauration de certains modalités relationnelles avec autrui et avec l’entourage.

Les objectifs de l’approche psychodynamique sont donc:

1- la compréhension et l’évaluation de la dynamique interne que se jouent entre les pulsions, les mécanismes de défense et les fantasmes du sujet-analysé;

2-  l’interprétation de des expressions mentales, des symptômes et des comportements, sous-tendant cette dynamique; 

3- trouver des réponses aux origines des troubles psychiques, leur nature et leur fonctionnement; 

4- la définition, enfin, des procédures thérapeutiques convenables. 

L’approche psychodynamique du comportement sexuel

Le désir sexuel conditionne l’homme. Il est là dès son enfance ontogenèse ainsi que phylogenèse. La quête de son assouvissement investie, par étayage, les fonctions de l’auto-conservation, tout en incluant les zones érogènes. Les stades du développement psycho-sexuel montrent que le désir exploite ces zones, suivant un mode provocateur et colonisateur, d’après leur importance transférentielle. C’est à dire d’après leur rôle dans la satisfaction du désir. 

Le destin de la pulsionnalité de l’adulte est accusée par la sexualité infantile. Cette dernière, déliée d’affects et de représentations, anarchique, autoérotique, polymorphiquement perverse et toujours refoulé, se retrouve dans les comportements pervers et en mode conflictuel dans la névrose. En effet, la charge pulsionnelle des impressions abandonnées revendique, pour toujours, son “droit” à la satisfaction. C’est cette réalité qui imprime la nature traumatique de la sexualité humaine. 

Freud estime, donc, que toutes pathologies psychiques devraient être parcourues dans le terrain de la sexualité traumatique de l’enfance. Il commence par la collecte des facteurs qui sont en relation avec la symptomatologie psychonévrotique, déconstruit ces mécanismes de formation, dégage le sens caché derrière le sens manifeste (pour remémorer, au sujet, ces souvenirs) et essaye, enfin, de retrouver la dernière représentation pathogène de la scène sexuelle originaire. La quête de celle-ci est complexe pour deux raisons:

• dès qu’une image est prête à se dévoiler, elle se perd immédiatement dans le cours de l’association et ne sera plus retrouvée. 
• Le processus de fantasmatisation s’interpose devant la représentation directe du souvenir sexuel traumatique.

Entre le souvenir et la trace du souvenir, le fantasme fait son jeu de corollaire mentale de l’excitation sexuelle déclenchée par l’évènement réel. Son jeu consiste dans l’accomplissement et la gratification du désir grâce à sa force hallucinatoire. 

Mélanie Klein utilise la graphie phantasy pour spécifier le sens analytique du fantasme du sens courant. Pour elle, la condition psychique de l’être humain, sa vie pulsionnelle, les mécanismes de psychiques mises en oeuvre pour contrôler et orienter les pulsions et favoriser l’adaptation au monde, se constitue sur la scène des phantasmes inconscients. La normalité et l’anormalité se distinguent, premièrement, de la façon avec laquelle les phantasmes ont été élaboré et modifiés et, deuxièmement, du degré de leurs contribution dans l’accomplissement, directe ou indirecte, des désirs et de permettre l’adaptation au monde. 

D’un point de vue étiologique, les phantasmes primitifs représentent, dès le début de la vie, les pulsions libidinales et agressif du bébé et servent, ensuite et très tôt, pour des fins défensifs: la maitrise de l’angoisse, le contrôle des pulsions, l’apaisement des tensions, ainsi que des tendances réparatrices. 

Si on considère avec Klein que le fantasme est la source de toutes nos activités comportementales et mentales, ses mêmes activités devront assumer les mêmes fonctions des phantasmes. Le comportement sexuel, suivant ce raisonnement et au-delà de ses cibles libidinale et sadiques, devra assumé des fonctions défensifs et réparatrices. 

Le désir sexuel et le sentiment de culpabilité

Le sentiment de culpabilité est mis en question dans un grand nombre de névroses. En réalité, le jeu du sentiment de culpabilité se fait sur deux lignes contradictoires: il renforce la libido et augmente la gratification pulsionnelle, d’un coté, et inhibe, inversement, la gratification, de l’autre coté. L’intransigeance constamment croissante du Surmoi, invité par le Moi pour l’aider à contrer la revendication libidinale, est l’origine du conflit psychique. Le refoulement et la pression pulsionnelle dépense, de façon univoque, une quantité d’énergie responsable de l’influence contradictoire du sentiment de culpabilité chez  un individu en abstinence que chez “un habitué du moulin rouge”. Freud déduit, de ce phénomène, l’idée que la culture et la religion ont rendu à la sexualité un grand service en le marquant du péché. “La pudeur n’a pas pour seul effet de refouler les pulsions sexuelles, elle contribue aussi à les alimenter et même à les intensifier” proposait le psychanalyste austro-américain Theodor Reik.  

Tendance réparatrice de la sexualité 

L’acte sexuel assume trois fonctions. Il penche à la gratification libidinale, à l’apaisement de l’angoisse et à la  réparation des torts des fantasmes sadiques. 

Les fantasmes de réparation sous-tendent toutes nos activités, nos sublimations et le destin de notre développement psychosexuel. la réparation est présidée par le principe de correspondance. Ce principe exige que les fantasmes de réparation correspondent, parfaitement, avec les préjudices imaginaires commises. 

Le tableau suivant montre la correspondance possible entre les fantasmes sadiques et les fantasmes de réparation chez la fille: 

L’acte de réparation est décisive dans le choix de la fille de sa position sexuelle et de ses fixations libidinales. La forme et la nature de ses fantasmes sadiques, l’intensité de ses tendances réactionnelles et la structure ainsi que la force de son Moi, sont les trois facteurs qui déterminent ce choix et ces fixations. 

Dans ce cadre des tendances réparatrices du comportement sexuel, on peut comprendre la frigidité féminine et le complexe de virilité. 

Karen Horney, dans son livre ” La fuite de la féminité” (1927), la frigidité indique que les désirs et les fantasmes incestueux, rapportait inconsciemment par la fille à son vagin, avaient produit “des affects de nature anxieuse et défensive investissant, de manière forte et précoce, la région vaginale et clitoridienne. Le Moi défend par l’annulation du ressentit et d’éprouvé du plaisir sexuelle, et de même, l’angoisse génitale augmente ainsi que les tendances masculine de la fille. 

Le complexe de virilité, de la fille, est la conséquence de son désir d’avoir un pénis bénéfique, réparateur pour préserver son corps de la destruction et dédommager la mère de pénis qu’elle lui a volé.  Ce complexe s’inscrit, donc, dans un processus de défense luttant contre l’angoisse et la culpabilité, renforcé par la position sadique de la fille. La degré de la tolérance de la fille à l’angoisse et à son sadisme détermine, en grand partie, son choix sexuel (Joan River). 

Le degré de la tolérance à l’angoisse et le désir d’avoir un pénis est marquant chez “Les femmes dont l’homosexualité porte l’empreinte d’une rivalité hostile avec l’homme”, ainsi que les lesbiennes, possédant un pénis extérieur.  

Compréhension psychodynamique des violences sexuelles

La psychodynamique des agresseurs sexuels est marquée par un état d’être terrifiant et désaffecté. Cet état d’être déclenche des mécanismes de défense archaïques. A. Clavaldini, dans “la psychopathologie des agresseurs sexuels”” (1999), montre que l’acte d’agression n’est jamais précédé par un scénario et une mise en scène mentale. La passation à l’acte illustre l’effet du clivage puisqu’il se réalise sans lien. Ce qui précède, plutôt, est un “climat d’effacement de processus de représentation psychique”. Cette dynamique s’explique, dans l’après coups, par un état de tension interne intense menaçant l’intégrité psychique de l’agresseur sexuel. Dans cet état d’effacement de limite entre le dedans et le dehors, autrui pers sa qualité de “sujet inaliénable”. L’agresseur utilise des manoeuvres d’annulation de sa victime en disant qu’il “était consentante et séductrice”. 

D’un point de vue étiologique, A. Ciavaldini (2000)propose quatre lignes principales pour la compréhension psychodynamique de la violence sexuelle commise par des adultes. La violence sexuelle serait la conséquence de la défaillance de l’institut du tiers au niveau des relations primordiales, l’expression du manque des investissements des instances représentatives ou le témoin que l’agresseur n’a pas pu intégrer, dans son être, le statut de maturité personnelle.

la violence sexuelle renvoie, dans les travaux de C. Balier (1990, 1996)à trois registres: 

• le registre originaire qui correspond avec le registre de la perversité sexuelle. La violence sexuelle peut être, chez les sujets se trouvant (ou se sont trouvés) dans ce registre, l’expression d’une défense conte l’anéantissement par le vide et la terreur. Ces sujets “ont été, ou sont toujours, en manque d’existence dans le regard parental” , et ce sont eux qui commettent les actes d’agression les plus violents;
• Dans Le registre primaire, la violence s’inscrit dans le cadre de la quête de l’amour de la mère. L’acte d’agression est cherché pour le plaisir au dépens de l’autre, dénié. 
• Le registre secondaire est le registre du névrotique. Le modèle de l’acte, dans ce registre est l’acte incestueux corrélé avec un attachement affectif à la victime. 

Conclusion 

L’approche psychodyanmique dérive d’un dialogue, de posture épistémologique propre à la psychanalyse, dialogue entre les déductions théoriques et les données révélées au cours de la pratique. 

Cette approche met l’accent sur la dynamique intrapsychique de l’irréprésentable et vise à débusquer les couches inconscientes de la vie des hommes. 

L’enjeu de cette approche, sur le plan pratique, est de mettre en place d’un cadre pour une intervention thérapeutique oeuvrant sur les techniques qui permettent l’introduction, consciente, de l’analysant et l’analysé a ce monde inconscient. Cette introduction peut ouvrir des issues de passage de l’”in-conscient’ au conscient par des nouveaux transferts, une re-expérimentation conscientisée  et une prise de contrôle du patient  sur sa vie intrapsychique.

La dynamique psychique, inconsciente et conflictuelle, est modélisée sexuellement. La sexualité symbolise, en réalité, le conflit état de nature-état de culture. Le conflit entre des mouvements psychiques présidés par le principe du plaisir et les instances régulés par le principe de la réalité. La psychogenèse normale, pathologique ou pervers, dépend, nécessairement, de l’histoire sexuelle de chacun. 

L’approche psychodynamique des comportements sexuels met l’accent sur le jeu des éléments suivants:

1- Le jeu du fantasme, qui s’interpose devant la scène primaire et source de tous les processus psychiques (Klein), se déclare comme garant de:

• l’équilibre et l’adaptation au monde;
• la satisfaction du désir; tout en diminuant la culpabilité et apaisant la tension pulsionnelle; 

2- le jeu, dramatique et érogène, des conflits sur la scène de la sexualité;

3-  la relation complexe entre le désir sexuel et le sentiment de l culpabilité; 

4- les tendances réparatrices du comportement sexuel. 

L’approche psychodynamique est utile, donc, pour la compréhension des complexes psychosexuels et le développement des comportements sexuels de valeur névrotique, antisocial et purement sexuel.